L’Almanach international
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13 avril : 50 ans d’omerta sur la guerre du Liban
Ce matin, le Premier ministre Nawaf Salam dépose une gerbe au Monument des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, pour célébrer le 50e anniversaire du début de la guerre civile libanaise (1975-1990). Ce monument des Martyrs ne fait référence à une autre époque. En vérité aucun mémorial n’existe pour entretenir la mémoire de ce conflit qui a fait quelque 200 000 victimes dans un pays de 2,7 millions d’habitants (à l’époque).
Une cérémonie au Palais de Baabda réunit le président Joseph Aoun (un chrétien maronite, en poste depuis le 9 janvier 2025) et Nawaf Salam (un musulman sunnite), qui dirige le gouvernement, depuis le 8 février 2025.
Le 13 avril 1975, un autobus transportant des militants pro-palestiniens, de retour d’une manifestation, traverse le secteur d’Aïn el-Remmané est mitraillé par des membres des phalanges libanaises (Kataëb), après qu'un milicien chrétien a été tué et un autre blessé devant l’église melkite Notre-Dame du Salut, dans la banlieue est de Beyrouth. 22 passagers du bus ont été tués sur une trentaine de passagers. Cet incident est considéré comme le déclencheur de la guerre civile. D’autres incidents meurtriers ou assassinat de personnalités, depuis la fin des années 1960, auraient pu dégénérer de la même manière.
Chaque année, le 13 avril, se déroule une cérémonie du souvenir sur les lieux même où s’est déroulé le massacre du bus de Beyrouth (مجزرة بوسطة عين الرمانة ,مجزرة عين الرمانة), aussi connu sous le nom d'incident d'Ain el-Rammaneh ou encore Dimanche Noir.
Quelques jours plus tôt, Nawaf Salam avait appelé à faire de cet anniversaire « un tournant, et pas seulement un moment de commémoration » et à « revenir à l'accord de Taëf » signé le 22 octobre 1989, qui avait mis fin à la guerre civile, et à « mettre en œuvre l'intégralité de ses dispositions ».
L’ancien Premier ministre Saad Hariri a appelé, à cette occasion, à « sortir de la mentalité milicienne pour aller vers l’instauration d’un État incluant tout le monde, à condition de respecter sa Constitution et de s’engager vis-à-vis de ses lois, de ses institutions et de sa souveraineté ».
Les Libanais plus âgés connaissent tous la date du 13 avril mais l’évènement ne fait toujours pas l’objet d’un récit commun, comme pour l’ensemble du conflit, au point qu’il n’existe aucun livre d’histoire destiné aux lycéens racontant l’histoire récente du pays. Preuve que le projet national libanais reste encore fragile. Même s’il y a consensus aujourd’hui pour ne plus retomber dans la violence des milices qui avaient pris le pouvoir dans les années 1970, face à l’inconsistance de l’État libanais. Pendant 15 ans on a vu, des milices chrétiennes (Phalanges, Forces libanaises), musulmanes (Amal, PSP) et palestiniennes (OLP) s’affronter dans une mosaïque d’alliances instables.
Une loi d’amnistie, votée le 26 août 1991, a absou la plupart des crimes, sauf les assassinats politiques majeurs pour la plupart restés impunis. Un Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a été créé après l’attentat de 2005 contre Rafic Hariri. Rien n’a été prévu pour juger les crimes de la guerre civile. Chaque vendredi, des familles se rassemblent devant le Parlement, tenant des pancartes avec des photos des 17000 disparus dans l’espoir d’avoir es informations. Demain, les écolier et étudiants observerons une minute de silence à la demande de la ministre de l’Éducation. Peut-être auraient plus besoin de paroles sur ce conflit que de silence ?
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 12 avril 2025
L’autobus criblé de balles, appelé le « Bosta », devenu l’emblème de la guerre civile (photo anonyme d’époque). Ce bus existe toujours, il a été conservé par son propriétaire qui l’avait exposé au public en 2011.