L’Almanach international
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1er janvier : Haïti célèbre tristement son indépendance et sa fête nationale
Haïti fête son indépendance en dégustant la fameuse soupe joumou. Une révolte d’esclaves avait permis, en 1804, la naissance de la première république noire. Mais, ce rêve de liberté a été continuellement gâché par une histoire demeurée tragique.
Chaque 1er janvier, alors qu’on s’échange des Bòn Ane ! (en créole), et que l’on déguste la fameuse soupe joumou, Haïti célèbre son indépendance obtenue en 1804 après une terrible guerre qui a débuté par une révolte d’esclaves. C’est la Révolution française de 1789 qui a incité les esclaves de Saint-Domingue et des Antilles françaises à réclamer la liberté pour eux aussi. L’île était dominée par une poignée de colons blancs enrichis par les plantations de canne à sucre et de café. La colonie française, très prospère, était le premier exportateur de sucre au monde et fournissait la moitié du café consommé dans tous les pays. Ce succès reposait sur l’exploitation d’esclaves importés d’Afrique. La Révolution haïtienne a commencé en 1791 et a duré jusqu'en 1803 avec la victoire décisive de Vertières, le 18 novembre, qui a débouché sur l’indépendance du 1er janvier 1804. Pendant ce temps, la Révolution française avait aboli l’esclavage en 1794 (une première mondiale), mais Napoléon le rétablira en 1802 et tentera de l’imposer à nouveau à Saint-Domingue.
Ainsi est née, il y a 217 ans la première république noire de l’Histoire. Laquelle fut rebaptisée Haïti, à partir de son nom autochtone (Ayiti). L'indépendance a été proclamée sur la place d'armes des Gonaïves par Jean-Jacques Dessaline a qui ses lieutenants accordait le titre de gouverneur général à vie (le titre que portait Toussaint Louverture, le héros de la révolte, jusqu’à sa mort dans une glaciale prison du Jura en 1802). Quelques mois plus tard, J-J. Dessaline se proclamait empereur et instaurait une dictature, la première d’une longue série jusqu’à nos jours. Il mourra assassiné en 1806. Comme l’a été le dernier président élu d’Haïti, Jovenel Moïse, en juillet 2021. Lui aussi était en train d’instaurer un régime autoritaire en s’appuyant sur les gangs mafieux qui contrôlent, aujourd’hui, une partie du pays.
L’insécurité, de nos jours, est devenue la règle : enlèvements, assassinats, attentats ciblés se sont multipliés. La population manifeste régulièrement contre la corruption, l’absence de justice et de transparence, la misère absolue et déshumanisante, le non-respect de l’État de droit. Celui qui aurait dû, constitutionnellement, assurer l’intérim du président, le président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, était mort du covid quelques jours plus tôt. Le Premier ministre Claude Joseph avait été démissionné. Celui qui devait le remplacer, Ariel Henry, devait être investi le jour de l’assassinat du président. Quant à la chambre des députés, elle est inexistante depuis janvier 2020, faute d’élections. Les partenaires d’Haïti ont fini par reconnaître Ariel Henry comme président par intérim, lequel s’est empressé d’ajourner tout projet d’élection pour élire un nouveau président… Ainsi va la première république noire devenue indépendante le 1er janvier 1804 et qui célèbre aujourd’hui sa Fête de l'Indépendance, laquelle fait figure de fête nationale.
Cette indépendance ne sera reconnue par la France qu’en… 1825, et en échange de 150 millions de francs-or, pour dédommager les grands propriétaires qui ont été dépossédés par l’abolition de l’esclavage. Les anciens esclaves, eux, n’ont eu droit à aucun dédommagement pour plusieurs générations de travail gratuit et de souffrance. Haïti mettra plus d’un siècle à rembourser cette lourde dette.
La fête nationale d’Haïti coïncidant avec le Nouvel An, chacun formule des vœux en disant : Bòn Ane ! En cette occasion, en Haïti comme dans la diaspora, on savoure la bonne « soupe de l’indépendance ». On l'appelle aussi la soup joumou. Depuis le 1er janvier 1804, cette soupe à base de giraumon (une variété locale de potiron) est devenue le plat symbolique de l'indépendance d'Haïti vis-à-vis de la France. Ce plat était auparavant interdit aux esclaves. Il est désormais symbole de liberté et de partage. Sa recette comprend notamment, outre le giraumon, de la viande de boeuf, des pommes de terre, des carottes et une longue liste d'ingrédients qui varie selon les familles.
En ce 1er janvier 2022, le peuple haïtien formule des vœux et des souhaits. Il espère bien que finalement les choses commenceront à changer pour le pays et ses habitants. Car, jusqu’à présent, son rêve de liberté a été continuellement gâché par une histoire demeurée tragique.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 31 décembre 2021