26 avril : la mémoire de Guernica
Volodimir Zelenski n’avait manqué de le faire remarquer quand il s’était adressé aux députés espagnols : ce que la petite ville de Guernica a vécu en 1937, de nombreuses localités d’Ukraine sont en train de le vivre tant l’acharnement des forces russe à tout détruire pour soumettre l’ennemi parait sans limite. L’armée russe a aussi à son palmarès la destruction presque totale de Grozny et d’une bonne partie d’Alep… Dans plusieurs décennies toutes ces villes commémoreront leur anéantissement comme le fait Guernica chaque 26 avril. Et que dire de Gaza que l’armée israélienne s’applique à rayer complètement de la carte au prix de dizaines de milliers de morts ? Le 8 décembre 2023, la ville martyre du Pays basque espagnole s’est transformée en mosaïque humaine géante aux couleurs du drapeau de la Palestine. Un symbole fort, 86 ans après les bombardements du régime nazi sur la ville de Guernica. Les participants n’avaient qu’un seul mot d’ordre : « Le monde et l’Histoire ne doivent pas accepter un nouveau Guernica ». Ils n’ont, hélas, pas été entendus.
Cet après-midi, 15h45 toutes les cloches de la petite ville de Guernica vont sonner et à 16h15 précise, une sirène retentira en souvenir du terrible bombardement de 1937 qui fit 1650 morts (selon le gouvernement basque) sur les 5000 habitants que comptait la petite ville de Biscaye (Pays basque espagnol).
Pour la Commémoration du bombardement de Guernica (Conmemoracion del bombardeo de guernica) les autorités procèdent à un dépôt de gerbes au cimetière de Zallo pour rendre hommage aux morts et ce soir, à 21h30, une marche silencieuse va parcourir comme chaque année les rues de la ville. En 2022, pour le 85e anniversaire, le président du gouvernement, Pedro Sánchez, avait participé aux commémorations, lui aussi avait cité Vladimir Poutine sans son message.
Ce 26 avril était jour de marché, en deux heures quelque 22 tonnes de bombes ont été lâchées sur la ville par l’aviation allemande venue tester de nouveaux appareils et surtout une méthode de guerre inédite : un raid de terreur destiné à anéantir une partie de la population et d’en terroriser l’autre. Le Pays basque était resté fidèle à la république (voir 14 avril). Sa soumission était une aide appréciable, réclamée par le général Franco en train d’imposer sa dictature à l’ensemble de l’Espagne. Par miracle, l’arbre de Guernica, symbole de l’autonomie du Pays basque, est sorti indemne des bombardements, mais le pays n’allait pas tarder à être soumis par les franquistes. Dès le début du XVIIIe siècle, Guernica était devenue un véritable emblème de la démocratie et de la liberté, surtout après la fin de la Première Guerre carliste (1833-1840). C’est aussi cela que Franco avait demandé à Hitler d’abattre.
Un Musée de la paix a été inauguré en 2003 et l’on décerne, aujourd’hui, un Prix Guernica pour la paix et la réconciliation. En 2020, un hommage particulier avait été fait à José de Laubaria, le maire de la ville à l’époque et à George L. Steer, journaliste sud-africain arrivé à Guernica quelques heures après le bombardement et qui câbla dans la nuit même son reportage de la ville martyre. C’est son article publié le 28 avril 1937, à la une du Times et du New York Times, qui a frappé l'opinion publique mondiale en révélant l'implication secrète de l’Allemagne nazie dans la destruction de la ville. En 2022, Guernica a été reconnu comme un “lieu de mémoire” par le gouvernement espagnol.
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 24 avril 2024