26 juin : le joueur de flûte d'Hamelin, une parabole très actuelle
Chaque année le 26 juin, la ville d’Hamelin, la ville du Joueur de flûte, chasseur de rats, est en fête, c’est Rattenfängertag. L’histoire reprise au XVIIe siècle par les frères Grimm raconte qu’un homme vêtu d'un long manteau multicolore s’est présenté dans la petite ville d’Hamelin comme un exterminateur de rats. Les habitants de la ville acceptent sa proposition de débarrasser la ville des rats. Ils le virent alors sortir une flûte et entraîner les rats hors de la ville au son de sa musique. Quand est venu le moment pour lui de réclamer son salaire, les citoyens d’Hamelin l’ont expulsé sans ménagement. Quelque temps plus tard, on le vit revenir. Alors que les habitants d’Hamelin étaient rassemblés dans les églises à écouter des chants religieux, l’homme au chapeau rouge ressorti sa flûte et se mit à jouer. Cette fois, ce sont les enfants de la ville qu’il entraîna au loin. Ils étaient 130, dont le fils du maire, on ne les revit jamais. Selon la légende, cela se serait produit le 26 juin 1284.
La notoriété de cette histoire est telle que la ville d’Hamelin (Hameln), en Basse-Saxe, organise chaque 26 juin, une grande fête locale en costumes d’époque avec des concerts de flûte. L’évènement est devenu au fil des ans très touristique.
Mais est-ce vraiment une légende ? Des historiens ont cherché un fondement à cette histoire dont il existe plusieurs versions. Certains ont voulu y voir les crimes d’un pédophile, mais 130 enfants en même temps cela fait beaucoup. L’une des versions propose un indice intéressant. Elle raconte que les enfants auraient été emmenés dans une grotte de la région qui conduit tout droit en Transylvanie.
Les historiens allemands font remarquer qu’au XIIIe siècle beaucoup d’habitants de la Basse-Saxe se sont laissé recruter pour aller travailler, justement, en Transylvanie, souvent les plus pauvres et les plus jeunes. Cette migration a laissé des traces dans la Roumanie actuelle où vit encore une communauté saxonne. Klaus Iohannis, l’actuel président de la Roumanie est l’un de leurs descendants. Ces Allemands venus jadis s’établir en Transylvanie étaient recrutés par de beaux parleurs qui leur promettaient un lopin de terre et une vie meilleure sur les terres à coloniser. C’était un coup dur pour les villes allemandes qui perdaient ainsi une main-d’œuvre bon marché. Pour se faire remarquer sur les places publiques, les recruteurs qui allaient de ville en ville, frappaient sur un tambour et jouaient de la flûte… d’où la légende du joueur de flûte d’Hamelin qui fit disparaître les enfants.
Pourquoi des enfants ? À l’époque, le terme avait un sens plus large qu’aujourd’hui, il désignait les gens de peu ou “ceux qui ne sont rien” pour reprendre une formule malheureuse. On sait aujourd’hui, par exemple, que la croisade de 1212 qui parti d’Allemagne, la fameuse « croisade des enfants » était en fait composée de pauvres, pour beaucoup de jeunes gens sans avenir cherchant au loin une nouvelle vie.
Voilà une parabole très actuelle qui pourrait s’appliquer aux passeurs sans scrupule qui entassent les jeunes Africains dans des pirogues ou des canots surchargés en direction des Canaries ou de la Sicile au risque de leur vie. Les parents les voient disparaître, parfois pour toujours. L’histoire du joueur de flûte n’évoquerait-il pas la douleur des familles confrontées à la migration d’un enfant ?
Un article de l'Almanach international des éditions BiblioMonde, 25 juin 2024